L’existence d’un marché des spécimens minéralogiques entraîne l’exploitation spécifique de gisements. Des commerçants aux États-Unis d’Amérique ont récemment investi 320.000 Euros pour réouvrir une mine. Les découvertes furent au rendez-vous et rejoignent les collections publiques et privées du monde entier : les rhodochrosites de la “Home Sweet Home mine” sont entrées dans la légende. Le nom actuel utilisé du gisement est plutôt juste “Sweet Home mine”.
La mine “Sweet Home” est exploitée dès 1873 pour produire de l’argent dans un district minier découvert vers 1861. La présence de spécimens de rhodochrosite en magnifiques spécimens cristallisés est signalée en 1876 dans un rapport fédéral. Dès 1870 et jusqu’en 1890, des spécimens sont collectés et vendus, aussi bien à des musées qu’à de grands collectionneurs. Puis l’exploitation minière connaît de nombreuses vicissitudes en fonction des variations du cours de l’argent.
Dès 1925, tous les conservateurs de muséum connaissent la “Sweet Home mine” comme source d’excellentes rhodochrosites. Des spécimens se retrouvent à la Smithsonian Institution, Washington, en Suède, en Allemagne, en Grande Bretagne, en Suisse, les spécimens minéralogiques voyagent énormément.
En 1933, le directeur de l’exploitation écrit que des cavités cristallisées ont été découvertes et des spécimens collectés. Il note : “Cette production était “des spécimens de minerai” et beaucoup furent vendus à des commerçants et des musées à des fins d’exposition, un lot a, par exemple, été vendu à l’institut Yonkers de New York“.
En 1964, la mine est fouillée pour les minéraux et en 1966, un spécimen incroyable est découvert. Celui-ci sera nommé “Alma Queen”, la reine de Alma. Ce spécimen est alors considéré comme un des plus fantastiques spécimens minéralogiques jamais découverts. En 1990, lorsque le collectionneur Sam Perkins vend sa collection au musée des sciences de Houston, ce spécimen est estimé à 250.000$.
En 1990 toujours, un groupement d’investisseurs et de commerçants crée la “Sweet Home Rhodo, Inc.”, société qui a racheté la concession de la mine, avec pour but de produire des spécimens de collection. Pour cela, les sept associés versent chacun 46.000 euros, soit en tout 320.000 euros pour rééquiper la mine et la remettre en production, 267.000 euros serviront la première année, puis les recettes doivent permettre d’autofinancer l’exploitation.
La vente publique des premières découvertes a lieu en 1992, en septembre, en marge de la bourse aux minéraux de Denver. Des laissez-passer sont distribués les jours précédant l’ouverture, l’accès aux pièces proposées se fera par groupe de vingt…
Les vingt premiers visiteurs achetèrent presque tout ! En deux minutes, 122.000 euros de spécimens furent vendus.
Le musée d’Histoire naturelle de Paris a pu échanger un spécimen de 15 cm d’envergure qui fut trouvé fin septembre 1992 dans la poche dite “Good luck pocket”. Un autre spécimen a été acheté grâce à l’aide d’un mécène.
En 1993, une technologie révolutionnaire fut employée pour déceler depuis la surface les éventuelles poches à cristaux que pourrait receler le réseau de filons de minerai : un radar capable de pénétrer le sol et d’y déceler les vides !!!
D’autres moyens tout aussi sophistiqués sont employés comme une tronçonneuse à chaîne diamantée afin de découper la roche et des plaques de cristaux, ou encore des images issues du satellite Landsat. Etant donné que l’exploitation se fait dans une zone protégée, les stériles sont d’abord stockés devant la mine puis régulièrement chargés dans des camions pour être définitivement abandonnés à 15 kilomètres de là.
En 1995, pour le musée de Denver, la fondation Coors finance l’assemblage par les commerçants exploitants de plus de 3000 pièces de rhodochrosite. Le but est de créer et d’exposer dans le musée un “mur” de rhodochrosite dans un décor approprié afin que le public puisse vivre l’ambiance de la mine. Trois personnes y travaillèrent pendant 20 mois et l’équipe du musée mit 12 mois pour présenter l’ensemble.
Bryans Lees, le porteur et responsable du projet, a reçu en 1997 le Carnegie Mineralogical Award. Le Carnegie, cet important musée de Pittsburgh, récompense et honore ainsi chaque année une contribution majeure à la préservation, la conservation ou à l’éducation en matière de minéralogie, que cela vienne de minéralogistes “enthousiastes” (mot employé par le Carnegie), de collectionneurs, d’enseignants, de conservateurs, de clubs ou de sociétés de minéralogie, de musées, d’universités ou d’éditeurs.
Article de Frédéric Delporte, publié avec son aimable autorisation.