A la fin du dix-neuvième siècle, la Namibie, au sud-ouest de l’Afrique, est une colonie allemande. Tsumeb, ville minière du nord du pays, va prendre une importance considérable. Le premier spécimen connu de Tsumeb est daté de 1860, il s’agit d’un morceau de minerai riche en cuprite. Le spécimen porte encore son label d’origine, indiquant comme origine une baie, celle de Walfish, où se trouvait un port. Le nom de “tsumeb” fut crée bien plus tard et à cette époque seuls d’aventureux explorateurs parcourent le pays. Ils ramassent bien sûr tout ce qui peut ressembler à un début d’eldorado, soit tous les échantillons de minerais qu’ils trouvent.
Un colossal gisement métallifère est découvert ainsi en cette fin du dix-neuvième siècle et restera en exploitation jusque la fin du vingtième siècle. L’université de Berlin reçoit dès 1887 un premier lot de minerai à analyser. L’Académie de Freiberg, une des plus anciennes écoles des mines d’Europe et une des plus fameuses, reçoit également des lots de minerai. Elle doit les analyser en vue de déterminer le meilleur traitement possible pour l’extraction des métaux.
D’un lot de 400 tonnes de minerai, le directeur Wilhem Maucher extrait une tonne de spécimens minéralogiques, plus ou moins intéressants, le voyage en bateau n’ayant pas été des plus doux. Maucher quittera son poste pour s’installer négociant de minéraux, et il devint l’un des meilleurs de son temps. Le “dépôt minéralogique” de l’Académie de Freiberg a pour instruction de vendre les spécimens minéralogiques qui ne sont pas requis pour les collections et d’utiliser cet argent pour en acheter d’autres.
De très nombreux cadres de la mine devinrent des collectionneurs acharnés, tel Wilhem Thometzek, directeur général, Friedrich Kegel, directeur général, ou encore l’intendant Klein. Sam Gordon, négociant américain, se rend en 1929 à Tsumeb dans le seul but de s’approvisionner. Le directeur de la mine étant absent, il obtient difficilement l’autorisation de pouvoir descendre dans la mine et y collecter. Cela deviendra possible grâce à l’intendant Klein, qui le guidera, accompagné du contremaître Keller. Un des problèmes posés par la demande de Gordon est surtout le fait que tous les spécimens intéressants découverts sont promis par avance au négociant Wilhem Maucher de Munich.
Et l’inimaginable survient, alors que la visite se fait à un endroit peu favorable, fait bien sûr voulu par Klein et Keller, Gordon découvre une fantastique poche à cristaux d’azurite !!! Certains des spécimens sortis alors restent aujourd’hui les meilleurs connus de l’espèce. Les choses ensuite vont quelque peu se compliquer, notamment avec le retour du directeur Kegel, passionné par la collection.
Au terme d’un entretien des plus tendus, Gordon accepte de donner la moitié de ce qu’il a de la découverte à Kegel, n’ayant de toute façon pas trop le choix, une confiscation de la totalité de sa part étant une menace sérieuse… Gordon restera un bon moment à Tsumeb, nouant des contacts avec les mineurs et leur achetant de nombreux spécimens. Il repartira pour les USA avec douze conteneurs de deux cent cinquante kilogrammes de minéraux !!!
La majeure partie des spécimens de Gordon fut achetée par le grand collectionneur américain Vaux, qui fit don de sa collection à l’Académie des Sciences Naturelles de Philadelphie. La collection Kegel partit pour la Smithionian Institution à Washington en 1949. Elle se composait de 920 spécimens d’un poids total de 1,5 tonne. La collection Keller fut achetée en 1957 par le muséum de Berlin qui récupéra ainsi 1725 spécimens majeurs de Tsumeb. La collection Klein fut achetée par le musée d’Harvard, celle de Thometzek le fut par le muséum de Berlin en 1936.
La collecte de spécimens à Tsumeb se faisait également dans une perspective de “complémentaire retraite”… Par exemple, Peter Euteneuer, mineur originaire de Herdorf, retourne en 1921 chez lui après sept années passées à Tsumeb avec pour ces vieux jours 7.000 marks d’économie, et une collection de minéraux, qu’il vendit dès son retour 25.000 Marks.
Dès leur découverte, les spécimens de Tsumeb ont été très recherchés. Deux négociants dominent alors le marché : Wilhem Maucher de Munich, et le Dr F. Krantz de Bonn. D’importants collectionneurs dépensent des fortunes en acquisitions minéralogiques. Un spécimen de pseudomorphose de malachite après azurite fut acheté 5.000 Goldmarks, une maison pouvant à l’époque être construite pour 300 Goldmarks !!! Richard Baldauf constitua une collection estimée à un million de Goldmarks en 1929, collection qui est au musée de Dresde de nos jours.
Dans les années 1970, l’exploitant minier organisa la collecte de spécimens minéralogiques. Il dispersait les découvertes lors de ventes aux enchère en lot.
Suite à la fermeture de la mine en 1996, une société entreprit d’exploiter le site pour les spécimens de collection, la “Tsumeb Specimen Mining, Ltd”. Malheureusement, l’exploration des galeries supérieures, non englouties par la nappe phréatique, n’a donné que peu de choses.
Ce gisement incroyable est peut être maintenant entré dans l’Histoire. Il a produit 247 espèces minérales différentes, dont 52 découvertes pour la première fois, 40 espèces n’ayant jamais été trouvées ailleurs. Heureusement, d’innombrables spécimens sont sauvegardés dans les collections privées et publiques du monde entier.
Article écrit par Frédéric Delporte, publié avec son aimable autorisation.