La Terre possède plus de 10 000 volcans sur les continents et davantage sous les océans. Plus de 1 500 d’entre eux ont été actifs au cours des 10 000 dernières années. Une centaine de volcans sont considérés comme très dangereux et donc particulièrement surveillés. Depuis l’année 1700, on comptabilise au total 265 000 victimes des phénomènes volcaniques. Aujourd’hui, 500 millions de personnes sont concernées par les risques volcaniques.
- Volcans et éruptions volcaniques
- Les sept types de risques volcaniques
- La surveillance, la prévision, la prévention
- Les volcans : nuisibles ou utiles ?
Volcans et éruptions volcaniques
Les volcans se manifestent régulièrement par des éruptions. Celles-ci sont de deux grands types : effusives et explosives.
- Les éruptions effusives
Elles libèrent des coulées de lave, liquide parfois pâteuse, à des températures de 900 à 1200 degrés. On parle de type hawaiien, en référence aux volcans d’Hawaii : Kilauea, Mauna Loa.
Certaines laves, très fluides, sont appelées “pahoehoe” : ce terme hawaiien signifie qu’il est aisé de marcher sur la coulée quand elle est refroidie et solidifiée car sa surface est relativement plane, mimant parfois un amas de cordes (“lave cordée”). Au contraire, les laves visqueuses “aa” (autre terme hawaiien) laissent des surfaces de coulées très irrégulières, rendant toute progression difficile.
Les laves du premier type coulent rapidement lors de leur émission (parfois jusqu’à quelques dizaines de km/h) puis ralentissent. Celles du second type progressent seulement à quelques centaines ou dizaines de m/h. Souvent la lave s’écoule aussi dans un réseau de tunnels, en sub-surface. Exceptionnellement elle stagne dans le cratère et forme un véritable lac de lave. Les laves sont le plus souvent des basaltes, de composition chimique silicatée.
L’Ol Doinyo Lengai en Tanzanie est unique au monde car il émet des laves noires, appelées “carbonatites” (de composition chimique carbonatée), très fluides, à une température d’environ 500 degrés.
Certaines laves, trop visqueuses pour s’écouler, construisent des dômes ou des aiguilles de lave.
- Les éruptions explosives
Elles émettent des matériaux à haute température mais en grande partie solide appelés “tephra” et libèrent une grande quantité de gaz. On les classe en types strombolien, vulcanien, plinien, péléen, surtseyen.
Les éruptions de type strombolien (référence au Stromboli dans les îles éoliennes en Italie) projettent des bombes incandescentes, dont la taille peut atteindre plusieurs mètres, à des hauteurs de plusieurs centaines de mètres.
Les éruptions de type vulcanien (référence au Vulcano, également dans les îles éoliennes) projettent des cendres grises, fines (taille de l’ordre du millimètre), jusqu’à quelques kilomètres de hauteur.
Les éruptions de type plinien, référence à Pline l’Ancien et Pline le Jeune, observateurs de l’éruption du Vésuve, qui, en 79 ap. J.-C., détruisit Pompéi, projettent des ponces (fragments de roches légères car riches en vacuoles de gaz), jusqu’à 50 km de hauteur.
Les éruptions de type péléen (référence à la montagne Pelée en Martinique aux Antilles) sont caractérisées par des nuées ardentes, qui se propagent à des vitesses atteignant 600 km/h.
Les éruptions de type surtseyen (référence à l’île de Surtsey au sud de l’Islande) résultent du contact entre le magma et de l’eau (nappe souterraine “phréatique”, lac de cratère). La vaporisation de l’eau augmente l’explosivité de l’éruption. On parle d’éruption “phréatique” ou “phréatomagmatique”.
En fait de nombreux volcans peuvent changer de type éruptif au cours de leur histoire géologique ou même en cours d’éruption.
Un édifice volcanique résulte de l’accumulation des produits de ses éruptions. Certains gros volcans, âgés de plusieurs centaines de milliers d’années, dans lesquels alternent laves et tephra (et donc “stratifiés”), sont appelés “stratovolcans”.
Les sept types de risques volcaniques
- Les coulées de lave (type éruptif hawaiien)
Elles ne présentent que des dangers modérés pour les populations mais peuvent détruire de nombreux biens : habitats, voies de communication, cultures. Exemples : Etna, mont Cameroun.
- Les projections et retombées de bombes (type strombolien), de cendres (type vulcanien), de ponces (type plinien).
Elles concernent des surfaces parfois très importantes. Exemples : Piton de la Fournaise (Réunion), Tavurvur (Papouasie – Nouvelle-Guinée).
- Les nuées ardentes
Il s’agit d’un nuage de gaz brûlant transportant des blocs et des cendres en suspension qui déferle sur les flancs du volcan. L’ensemble se propage à des vitesses prodigieuses (200 à 600 km/h), à haute température (100-500 degrés). Les nuées ardentes constituent des risques majeurs pour les habitants et leurs biens. Exemples : La montagne Pelée (Martinique, Antilles) fit 28.000 victimes le 8 mai 1902 et 1000 autres le 30 août 1902 ; Soufrière de Montserrat (Antilles) en éruption depuis 1995.
- Les gaz sont émis en abondance par les volcans
Ils peuvent parfois asphyxier les êtres vivants, hommes et animaux. Exemple : Vulcano (îles éoliennes, Italie) ou Lac Nyos, Cameroun, 1986.
- Les coulées boueuses, appelées aussi lahars (terme indonésien)
Elles résultent d’un mélange d’une grande quantité de cendres volcaniques, en position instable sur l’édifice volcanique, et d’eaux, d’origines variées :
– pluies abondantes, cyclones et typhons. Exemple : Pinatubo (Philippines), en 1991 et les années suivantes ;
– rupture des parois d’un lac de cratère. Exemple : Kelut (Indonésie), 5.110 victimes en 1919 ;
– fonte de neige ou de glace. Exemple : Nevado del Ruiz (Colombie), 25.000 victimes le 13 novembre 1985 ; Islande (glacier Vatnajoküll), 1996.
- Les instabilités sont importantes sur un volcan : éboulements et écroulements de dôme de lave solidifiée, glissements de terrain.
Un dôme de lave visqueuse se met en place dans un cratère en forme de fer-à-cheval. Celui-ci explose et s’éboule à intervalle régulier, en libérant des gaz à haute température : il s’agit de véritables avalanches ardentes. Exemple : le Merapi en Indonésie.
- Les raz-de-marée, appelés aussi tsunamis (terme japonais)
Ce sont des vagues sur la mer, provoquées par l’éruption ou l’éboulement de volcans insulaires ou côtiers. Elles se déplacent à 700-1000 km/h et prennent une amplitude gigantesque (quelques mètres à quelques dizaines de mètres) en se rapprochant des côtes parfois éloignées de plusieurs centaines voire milliers de km. Exemple : Krakatoa (Indonésie), 36.000 noyés à Java et Sumatra en 1883 ; Tavurvur (Papouasie – Nouvelle-Guinée), 1994.
Des raz-de-marée peuvent avoir aussi pour origine un séisme (Indonésie, 26 décembre 2004) ou un glissement de terrain, comme à Nice, 16 octobre 1979, avalanche sédimentaire sous marine d’un volume d’environ 150 millions de m3 à l’embouchure du Var.
Les risques 1 à 4, immédiats, sont des conséquences directes de l’éruption. Les risques 5 et 6 apparaissent différés dans le temps car ils peuvent suivre l’éruption de plusieurs jours, mois ou années. Le risque 7 est différé dans l’espace : le volcan a un effet destructeur dans une zone éloignée. Un même volcan peut présenter différents types de risques en même temps ou successivement. Les volcanologues doivent prendre en compte l’ensemble de ces risques.
La surveillance, la prévision, la prévention
- Connaître l’histoire du volcan
Les éruptions anciennes du volcan constituent une référence pour envisager les éruptions futures. Les dépôts solides qu’il a rejetés jadis en constituent les témoins. Le volcanologue doit reconnaître et identifier précisément ces dépôts (laves solidifiées, cendres, bombes, nuées ardentes). La pétrographie est précisément l’étude des roches et des minéraux qu’elles contiennent. Puis on essaye de dater les formations volcaniques (géochronologie) pour reconstituer la vie du volcan.
Le but est d’établir le “Curriculum vitae” du volcan et d’envisager que ce qui s’est produit dans le passé est susceptible de se reproduire dans l’avenir.
- Surveiller le volcan
Pour les volcans les plus dangereux, il faut disposer d’un observatoire permanent où un personnel qualifié se relaie 24 heures sur 24. On dispose aussi de stations de surveillance automatique, disposées sur l’édifice volcanique et reliées à l’observatoire central par radio haute fréquence. En cas d’alerte par les appareils automatiques, les volcanologues se rendent immédiatement sur place pour faire le point et prendre les décisions qui s’imposent. Différents types d’appareils spécifiques permettent une surveillance rigoureuse du volcan.
Des sismographes détectent de petites secousses appelés “tremors”, témoins de la montée du magma. Ces signaux se produisent le plus souvent entre 24 et 48 heures avant une éruption, parfois quelques jours ou au contraire quelques dizaines de minutes seulement. Parallèlement, cette montée magmatique, provoque un gonflement de l’édifice, à une échelle millimétrique, centimétrique ou décimétrique. Les fissures s’écartent. Des géodimètres permettent de mesurer une distance précise entre deux points repères. A plus grande échelle, on utilise des rayons lasers, qui se réfléchissent sur des micro-réflecteurs installés sur le volcan. Des inclinomètres permettent de détecter des variations de pentes.
Les fumerolles peuvent changer de température, de composition ou de débit, annonçant une variation de l’activité du volcan. Les sources tout alentour peuvent également subir des modifications.
Les images prises par les satellites permettent, à distance, le suivi régulier du volcan. Des cartes de risques volcaniques sont dressées, où les zones menacées sont repérées à l’aide de couleurs significatives : rouge pour les zones à plus hauts risques, puis orange, jaune et vert pour les régions complètement à l’abri.
- La protection civile
Il faut expliquer aux populations menacées ce qu’est exactement un volcan, les différents dangers qu’il présente, ce qu’il faut faire ou ne pas faire en cas d’éruption. Tout ceci nécessite une bonne coordination entre les scientifiques (volcanologue) et les responsables politiques (maire, préfet, ministre). Des plans d’alerte, de secours et d’évacuation sont établis par les autorités civiles, prenant en compte les différents scénarios éruptifs susceptibles de se produire. Des antennes médicalisées spécialisées doivent également être prêtes à intervenir sur les lieux de l’éruption pour porter secours aux blessés. Des progrès significatifs ont été réalisés depuis une vingtaine d’années dans les domaines de la surveillance, de la prévision et de la prévention des éruptions. Les volcanologues ont contribué à sauver des dizaines de milliers de vies humaines.
Les volcans : nuisibles ou utiles ?
Les volcans, par les risques qu’ils présentent, apparaissent incontestablement nuisibles pour les sociétés humaines. Mais paradoxalement, ils s’avèrent aussi bien utiles.
On pense, qu’au début de l’histoire géologique de la planète Terre (vieille de 4,6 milliards d’années), les nombreux volcans, par dégazage, ont contribué à la formation de l’atmosphère et, par condensation, à celle des océans, ce qui a permis ensuite l’apparition de la vie.
- Les volcans construisent des territoires nouveaux (îles volcaniques : Antilles, Réunion, Tahiti, Islande, Kerguelen, etc.). Les sols volcaniques sont très fertiles (2 à 3 récoltes de riz par an en Indonésie au pied des volcans contre une seule récolte en Inde).
- Les volcans servent, depuis toujours, à l’habitat : abris préhistoriques sous des coulées volcaniques, situées en relief par le jeu de l’érosion et déchaussées progressivement à leur base ; habitats troglodytes (Cappadoce turque) ; pierres de construction : villes d’Auvergne en pierres (laves) noires ou grises (Clermont-Ferrand, Salers), parfois aussi en ponce claire (églises de Saint-Nectaire, La Bourboule).
- Les volcans anciens ont laissés d’importants gisements métallifères (or, cuivre au Chili). Le soufre est exploité au Kawah Idjen en Indonésie (6 tonnes de soufre sont exploités chaque jour par des hommes, les “forçats” du soufre ; le soufre est renouvelé par les fumerolles). Ils ont laissés également de nombreuses roches utiles à l’industrie (pour fabriquer du granulat, etc).
- En région péri-volcanique, l’énergie du sous-sol peut être exploitée : c’est la géothermie. La première centrale a fonctionné en 1904 à Larderello, Toscane, Italie. De nombreux pays sont concernés (Islande, USA, Russie, Japon, Mexique, Philippines , etc.)
- Le volcan est aussi source de santé (thermalisme). De nombreuses stations thermales existent en Auvergne, pour le traitement de différents maux (Châtelguyon pour les troubles digestifs, La Bourboule pour les allergies respiratoires et cutanées, Le Mont-Dore et Chaudes-Aigues pour les rhumatismes, Saint-Nectaire pour les maladies rénales, Vals-les-Bains…). Au Japon, on les appelle des “onzen”.
- Les pierres volcaniques ont été sculptées (moaïs géants dressés sur l’île de Pâques, statuettes mayas d’obsidienne). Le volcan a inspiré les artistes et les poètes (peintures italiennes, estampes japonaises, batiks de soie indonésiens).
- De nombreux volcans sont protégés dans des parcs naturels, où vivent de nombreuses espèces animales et végétales, parfois endémiques. A Yellowstone dans le Wyoming au Etats-Unis se côtoient geysers et sources thermales. Les Galápagos constituent un habitat unique d’espèces endémiques : tortues, iguanes, oiseaux. En Tanzanie, le Ngoro-Ngoro, gigantesque cratère abrite éléphants, zèbres, lions, etc.
On comprend alors pourquoi les volcans ont été déifiés…
Nos remerciements au professeur J.M. Bardintzeff pour cet article.
Photos J.M. Bardintzeff et F. Delporte.
Différentes publications de Jacques-Marie Bardintzeff :
Bibliographie récente de l’auteur :
– “Volcanologie”, Masson, 1991, 2ème édition, Dunod, 1998
– “L’Homme et.. les volcans”, Le Léopard d’Or, Muséum de Lyon, Arppam, 1991
– “Volcans”, Armand Colin, 1993
– “Volcans et séismes”, coll. “En savoir plus”, Hachette, 1995
– “Connaître et découvrir les volcans”, Liber-Minerva, 1997 et 2ème edition Minerva, 2004
– “Vocation volcanologue”, Delachaux et Niestlé, 2000
– “l’ABCdaire des Volcans”, Flammarion, 2001